Des femmes et des livres. Deux hommes. Le nombre de femmes ne cesse de grandir. Les hommes ne fuient pas.

Tous les livres parlent de femmes. Ou presque.

Le premier raconte les retrouvailles de deux femmes d’un même sang par-delà la haine, la complicité, la résistance, l’horreur de la prostitution, la complicité du viol d’une petite fille, les corps meurtris.

Terrible entrée en matière, les doigts dans les gâteaux crémeux de Martin offerts par Julia.

Le second raconte les corps (essentiellement féminins) déshumanisés, exhibés, maltraités, tripotés au nom de l’art ou d’une idée de l’art.

Le suivant est très masculin. On y croise seulement une petite femme apparue pour aider à cramer une ferme et péter toute la vaisselle. Une autre, lointaine, reçoit du pain par la poste en dédommagement de son attente. D’autres, frêles pantins dans le fond du récit, se laissent crever de faim au nom d’une idée juste du végétarisme hystérique.

L’héroïne du suivant regarde son corps sans haine, accueille sa vie, l’histoire et les hommes avec une bonne grâce communicative.

La suivante nous parle d’un plaisir qu’elle a connu incandescent et dont elle a du mal à se remettre. Se remettre, c’est écouter ce qu’ont à dire les autres femmes (et certains hommes), lire des cochonneries érudites arabes et écrire.

Les lectrices m’étonnent. Les avis sont tellement divergents qu’on ne semble pas parfois avoir lu les mêmes livres. On ne lirait donc qu’avec ses tripes, son histoire, son inconscient ?

Qu’est-ce qui parle quand on dit : « Quel livre atroce ! » « Quelle merveille ! »

Quelle est la femme qui parle en moi et qui rejette ce personnage ? Quel est l’être qui ne peut dire : « c’est moi. » par peur de s’effondrer ?

Je découvre un nouveau-type de lecture passionnant.

Le livre-personne.

Les livres sont maintenant des gens. En chair et en os.

Des gens qui vous ouvrent leur porte et vous servent un verre de clairette.

Alors de ces gens qui ont fait pour moi des livres, des livres-personne, j’en fais des personnages : les voici.

Ismaël, l’homme le plus gentil, le plus doux que notre petite ville ait jamais hébergé, propose le livre le plus abominablement pervers que j’ai jamais lu, à côté duquel American Psycho passerait pour les aventures de Oui-Oui dans la Bibliothèque Rose.

Sigrid, en force de la nature féminine, soumet une série de portraits de mecs virils et borderline lancés dans une fuite en avant.

La quinquagénaire british que je suis depuis l’âge de quatre ans fait lire un livre gras comme un édredon où il est question de maisons cosy, de baise raisonnable entre gens normaux et de vieilles bibliothécaires émouvantes sous leur écorce de rudesse ( « maman ? »).

Sylvie, liane sage et énigmatique, nous invite à déflorer le mystère d’une paire de fesses pour y lire la confession de sa « sœur intellectuelle » en quête de sensualité solaire. On y lit dans le titre une discrète allusion à son ancien métier de bouche.

Nathalie, feu follet citronné, propose un paveton au titre étrange qui résume bien mon texte et nos rendez-vous: « Portrait de groupe avec dame. »

Laure

Des femmes et des livres

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